Troubles dans le monde arabe Le peuple lutte pour la liberté contre l'oppression C'est aussi une révolution de l'information. Les manifestants s'organisent par les réseaux sociaux, les emails et via Skype. Sans l'information véhiculée par Internet, de nombreuses manifestations n'auraient pas été possibles. Le pouvoir de la liberté grandit à travers l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient. Des gens risquent d'être blessés ou tués pour gagner leur autonomie Nous devons soutenir ce mouvement de la liberté de toutes nos forces Dans le même temps, l'Allemagne soutenait également le camp adverse... Cela a été montré en Egypte au mois de mars Des citoyens investissent le siège de la Sécurité égyptienne. Longtemps, c'était l'instrument d'oppression de Moubarak. Nous avons trouvé des fichiers, énormément de documents, concernant des ONG, des groupes islamistes, des activistes politiques, etc. Avec son téléphone mobile, Mostapha Hussein a tout filmé. Il a aussi emporté des documents avec lui, mettant en sécurité du matériel "explosif". Une offre secrète de la firme germano-britannique Gamma. Elle concerne le spyware Finfisher. L'installation, la formation et deux ans de maintenance ont été proposés à la sécurité égyptienne pour près de 300'000 euros. Ce ne sont pas uniquement des logiciels, ce sont aussi des armes! C'est aussi dangereux pour la population et sa sécurité. Le genre d'armes digitales utilisées par le régime a fait l'objet d'un clip de promotion publicitaire rendu public par Zapp (auteur de ce reportage, NDLR) et WikiLeaks. Ce que FinFisher vend, c'est la possibilité de pirater le téléphone ou l'ordinateur de n'importe qui, afin de pouvoir activer, à distance, le microphone ou la caméra de passer outre les mesures de chiffrement et de sécurité afin de pouvoir tout espionner. Le clip publicitaire montre la facilité avec laquelle on peut tout espionner. Par exemple, ce spyware prend la forme d'une mise à jour pour Blackberry. En acceptant la mise à jour, l'utilisateur contribue lui-même au piratage de son téléphone. Le principe est également utilisé avec une fausse mise à jour pour iTunes ou encore en infectant, à la volée, un fichier que la cible est en train de télécharger. C'est très préoccupant : quelles que soient les règles existantes, les technologies de surveillance peuvent tout faire. Ces entreprises créent des outils pour les voyous, et promeuvent des méthodes de voyous pour espionner la vie quotidienne des internautes. Le logiciel de FinFisher ne se contente pas de permettre d'espionner les comptes Gmail ou Facebook, il peut également écouter et regarder les appels téléphoniques et vidéo de Skype. Ce genre d'outils ne sert pas les libertés. Ce genre d'outils aide les dictateurs à espionner et à s'attaquer aux défenseurs des libertés. Cette Egyptienne s'est fait connaître grâce à sa page Facebook, et a même fait l'objet d'une proposition de candidature pour le prix Nobel de la paix. Aujourd'hui, elle sait aussi qu'elle avait été placée sous surveillance. Dans un dossier la concernant, elle a trouvé des emails et retranscriptions de ses conversations. Ces outils s'attaquent à des gens, à leurs libertés, mais ces entreprises, qui résident dans des démocraties, ne réfléchissent pas à cela : la seule chose qui les intéresse, c'est l'argent. D'après notre enquête, Gamma voulait également faire de l'argent au Turkménistan, un pays lui aussi contrôlé par un dictateur qui masque la répression derrière un façade opulente. Turkmenistan est connu pour ses violations massives des droits de l'homme, l'absence de liberté de la presse, son opposition en exil et ses disparitions douteuses. Les documents auxquels nous avons eu accès montrent que l'objectif était d'installer des spywares Les entreprises Gamma et DreamLab avaient prévu un contrat de 874 819 francs suisses. Des représentants de DreamLab Technologies et de Gamma sont même allés au Turkmenistan pour préparer, techniquement, leur projet. Le journaliste Erich Moechel couvre ces sujets depuis des années. Pour lui, les entreprises doivent assumer leur part de responsabilité. En agissant de la sorte, elles encouragent la répression. Il n'existe pas de loi empêchant la vente de ce genre d'équipements utilisé pour traquer des gens et les faire disparaître. Des spywares de ce type ont également été vendus à Oman, où Gamma et DreamLab avaient là aussi élaboré un projet avec les autorités. En février, la surveillance des télécommunications a contribué à la répression sanglante lorsque les citoyens réclamaient des réformes politiques. En réponse à notre enquête, Gamma a nié avoir négocié le contrat elle-même et la société suisse DreamLab n'a toujours pas répondu à nos questions. L'un des salons ISS des armes de surveillance se tenait à Prague, en juin. Des collègues du magazine Fact ont filmé en caméra cachée. Ici, d'autres entreprises allemandes vendent d'autres technologies de surveillance. C'est là que les marchés sont signés : clients et fournisseurs s'y réunissent à l'abri des regards de sorte de pouvoir parler de façon directe de leurs projets. Cette brochure de l'allemand Elaman explique ainsi, noir sur blanc, que sa technologie peut être utiliséé pour... ... " identifier les opposants politiques". La surveillance des technologies est un business mondial. Utimaco a confirmé avoir expédié du matériel de surveillance à la Syrie. Trovicor a fourni des équipements à Bahrein. Et Nokia Siemens Network a été critiquée il y a deux ans pour avoir équipé l'Iran. Il veut que les entreprises occidentales prennent leurs responsabilités : son père, un journaliste, a été arrêté en Iran en 2010, avec l'aide de technologies de surveillance allemandes. Ils sont venus chercher mon père à la maison, mais il n'était pas là. Il a fuit dans différentes villes, afin de pouvoir continuer à couvrir les élections. Mais il a finalement géolocalisé et suivi à cause de son téléphone portable. Son père a été sévèrement brutalisé par 6 policiers, au moment de son arrestation : ils lui ont cassé les côtes, et les poignets. Il a ensuite été placé à l'isolement, en prison, des semaines durant. Le père et le fils envisagent aujourd'hui de porter plainte contre Nokia Siemens. Pourquoi ont-il vendu ce genre de technologies à l'Iran ? Nous voulons faire comprendre à ces entreprises que quelques dollars de profit supplémentaires ne valent pas des vies humaines. En attendant de savoir si leurs poursuites seront instruites aux Etats-Unis, ils veulent créer un précédent. Pour le père, et toutes les autres victimes. Nokia Siemens ne pouvait ignorer les conséquences légales d'un contrat avec un pays comme l'Iran. Pourquoi avoir signé ce contrat ? Nous avons acquis cette filiale en 2007 et l'avons revendu en 2009, mais le business continue. Nous ne somme pas fiers de ce contrat, et l'avons déjà expliqué de nombreuses fois. Nous aurions préféré revendre cette entreprise plus tôt. Mais le business est toujours aussi florissant, sous un autre nom d'entreprise. Comme le montre ce document, le ministère allemand des affaires économiques, responsables de l'export, considère les technologies de surveillance comme un "marché du futur" qu'il entend promouvoir. En réponse à une question du parti écologiste, le ministère a du admettre quelques faits explosifs : l'exportation de matériel de surveillance pourrait ainsi être garantit par le gouvernement allemand. Cela signifie que le gouvernement allemand encourage directement ou indirectement l'exportation de technologies de surveillance, y compris à des dictateurs ou des régimes totalitaires où elles sont utilisées pour réprimer la population. Le ministère a refusé de répondre à nos questions. Mais c'est ainsi que le gouvernement allemand soutient les mouvements de défense des libertés dans les pays totalitaires.