Le financement de ce programme a été assuré par : [musique ringarde]
Le financement complémentaire par : [musique ringarde]
Ce cours sur la justice commence par une histoire :
supposez que vous être le conducteur d'un tramway
et que ce tramway est lancé sur les rails à 100km/h.
Au bout des rails vous apercevez cinq ouvriers travaillant sur les voies
Vous avez déjà essayé de vous arrêter mais c'est impossible
vos freins ne fonctionnent pas
vous vous sentez désespéré parce que vous savez
que si vous entrez en collision avec ces cinq personnes
ils mourront tous.
Supposons que vous soyez absolument certain de tout cela
si bien que vous vous sentez sans ressource
jusqu'à l'instant où vous remarquez qu'existe
une voie de garage
sur le côté droit
et qu'au bout de cette voie
il n'y a qu'un seul travailleur
à l'oeuvre
Votre volant fonctionne
vous pouvez donc
faire tourner le tram si vous le voulez
sur cette voie de garage
et tuer un homme
tout en en épargnant cinq.
D'où notre première question :
quelle elle la bonne chose à faire ?
Que feriez-vous ?
Faisons un sondage.
Combien d'entre vous
feraient tourner le tram vers la voie de garage ?
Combien ne le feraient pas ?
Combien continueraient tout droit ?
Que ceux qui continueraient tout droit lèvent la main
Une poignée de gens seulement : la grande majorité tournerait
Commençons faire une petite audition
Nous devons commencer à cerner pourquoi vous pensez
que c'est la bonne action à accomplir.
Commençons par la majorité : ceux qui tourneraient
vers la voie de garage.
Pourquoi feriez-vous cela,
quelles seraient vos raisons ?
Qui est prêt à se prêter volontaire pour donner une raison ?
Allez-y, levez-vous.
Parce qu'il ne peut être bon de tuer cinq personnes alors que vous pourriez n'en tuer qu'une.
Il ne serait pas juste de tuer cinq personnes
si vous pouviez n'en tuer qu'une.
C'est une bonne raison [rires]
C'est une bonne raison
Que pourrait-on dire d'autre ?
Tout le monde est-il en accord
avec ce raisonnement ? Allez-y !
Eh bien, j'étais en train de songer au fait que c'est le même raisonnement
qui avait animé les passagers d'un des vols du 11 septembre
qui ont dirigé héroïquement leur avion
dans un champ de Pennsylvanie
parce qu'ils ont préféré se tuer eux-mêmes
plutôt que de tuer davantage de personnes
qui vivaient dans de grands bâtiments.
Donc, le principe fut le même le 11 septembre.
Il s'agit de circonstances dramatiques
mais le principe selon lequel il vaut mieux tuer une personne pour que cinq puissent vivre, ...
... est-ce bien la raison pour laquelle la majorité d'entre vous avez choisi de tourner ? Oui ?
Ecoutons maintenant
ceux
qui font partie de la minorité
ceux qui n'auraient pas choisi de tourner.
Eh bien, je pense que c'est ce type de mentalité qui sert à justifier les génocides et les régimes totalitaires :
pour sauver une race, vous éradiquez l'autre.
Donc que feriez-vous en ce cas ?
Pour éviter
les horreurs d'un génocide
iriez-vous écraser et tuer cinq personnes ? [rires]
Oui, sans doute.
OK, qui d'autre ?
C'est une réponse courageuse, merci.
Considérons maintenant un autre cas
de tramway
et voyons
si
ceux de la majorité
seraient prêts à rester fidèles à ce principe
qu'il est préférable qu'une personne meure pour que cinq puissent continuer à vivre.
Cette fois, vous n'êtes plus le conducteur du tram, mais un témoin
situé sur un pont surplombant la voie ferrée.
Un tramway descend la voie
et au bout on retrouve les cinq travailleurs
les freins ne fonctionnent pas
il est sur le point de percuter les cinq personnes à toute vitesse, et de les tuer
et maintenant
vous n'êtes pas le conducteur
vous vous sentez désemparé
jusqu'à ce que vous remarquiez...
... juste à côté de vous ...
... en train de se pencher ...
... au-dessus du pont ...
... un homme très gras. [rires]
Il vous suffirait
de lui donner une pichenette
et il tomberait du pont
sur la voie
parfaitement sur le chemin
du tram
mourrait
mais sauverait cinq personnes.
Alors, dans cette situation, combien pousseraient
le gros homme par-dessus le pont ? Levez la main. [rires]
Combien ne le feraient pas ?
Une majorité ne le ferait pas.
Voici maintenant une question évidente.
Qu'est-il advenu
de ce principe
selon lequel il était juste de sauver cinq vies au prix du sacrifice d'un seul ? Qu'est-il advenu de ce principe...
... que presque tout le monde a approuvé ...
... dans le premier cas ?
J'ai besoin d'entendre quelqu'un qui faisait partie de la majorité
dans les deux cas:
comment expliquez-vous cette différence entre les deux cas ?
Le second implique le choix actif de
pousser une personne
d'où on peut déduire
je pense
que cette personne n'aurait jamais été impliquée dans cette situation autrement
et donc
choisir en son nom, je suppose
en
l'impliquant dans quelque chose auquel il aurait pu échapper autrement est
va plus loin à mon avis
que ce la situation exposée dans le premier cas où
les trois parties, le conducteur et
les deux groupes de travailleurs étaient
je suppose déjà dans la situation.
Mais l'homme qui était en train de travailler, celui qui se trouvait dans la voie de garage...
... lui non plus n'a pas choisi de sacrifier sa vie, pas plus que notre gros homme, n'est-ce pas ?
C'est vrai, mais il était sur les voies.
L'autre homme était sur le pont.
Poursuivons, vous pouvez réintervenir si vous le souhaitez.
Très bien, il s'agit d'une question difficile...
... mais vous vous en êtes bien sorti.
Qui d'autre...
... pour tenter ...
... de trouver une manière de concilier
la réactions des deux majorités pour ces deux cas ? Oui ?
Eh bien, je suppose
que dans le premier cas
où vous avez un travailleur et les cinq autres
c'est une choix entre deux éventualités, et vous avez à
prendre une décision alors que des gens sont sur le point de mourir à cause du tramway,
pas nécessairement à cause de vos actes directs. Le tramway est un objet qui est lancé sur une piste
alors que quand vous devez faire face à la seconde alternative
entre pousser l'homme gras ou non, il s'agit véritablement d'un acte de meurtre de votre part
vous maîtrisez ce choix
alors que vous n'avez aucun contrôle sur le tramway.
Je pense donc qu'il s'agit d'une situation légèrement différente.
Très bien, qui pourrait répondre à cela ? C'était une bonne réponse.
Qui veut répondre ?
Peut-on trouver une issue à ce problème ?
Je ne pense pas que ce soit une très bonne raison
parce que dans les deux cas -en tournant ou en tuant directement quelqu'un- vous choisissez qui va mourir,
c'est un acte de pensée conscient
qu'il s'agisse de faire un virage
ou de choisir de pousser le gros homme
dans les deux cas c'est
une action consciente et déterminée : vous faites un choix dans les deux cas.
Voulez-vous répondre ?
En fait, je ne suis pas tout à fait sûr que cela soit vrai : il y a tout de même une forme de différence
entre pousser quelqu'un sur une voie et le tuer,
-ce qui veut dire que vous l’assassinez. Vous le poussez de votre propres mains.
Cela est différent
de piloter un mécanisme qui va causer la mort
dans un autre... même si comme vous le voyez...
... mon argument ne sonne pas très juste quand je suis là en train de le dire devant vous [rires]
Pas du tout, c'est une bonne réponse. Quel est votre nom ?
Andrew.
Andrew. Permettez-moi de vous poser une question, Andrew.
Supposez
que lorsque je me tiens sur le pont
près du gros homme
je n'aurais pas besoin de le pousser, mais qu'il soit
au-dessus d'une trappe dont je pourrais commander l'ouverture avec un volant comme ça...
...est ce que vous le tourneriez ?
Pour une certaine raison, cette action me semblerait
encore plus mauvaise.
Je veux dire que peut-être que si vous aviez actionné ce volant accidentellement, ou quelque chose comme cela,
ou...
mettons par exemple que le tramway
pousse lui-même un interrupteur qui ouvre la trappe
alors je pourrais être d'accord.
Ca me va, mais il semble tout de même
que vous trouvez injuste d'une certaine façon, ce que vous ne trouviez pas injuste dans le premier cas : tourner le volant.
Pour le dire autrement, vous êtes impliqué directement dans la première situation
alors que dans la seconde vous êtes aussi un spectateur?
Vous pouvez donc choisir de vous impliquer ou pas en poussant le gros homme.
Mettons de côté ce cas un instant.
C'est intéressant,
mais imaginons un cas différent. Cette fois, vous êtes un médecin dans une salle d'urgences...
... et six patients viennent vous voir...
... il y a eu un terrible accident de tram ...
... au cours duquel cinq ont des blessures d'intensité modérée et un très graves : vous pouvez consacrer votre journée
à traiter celui qui est gravement blessé
mais alors les cinq autre mourraient, ou vous pouvez veiller sur les cinq, les remettre d’aplomb, mais
pendant tout ce temps celui qui est gravement blessé
mourrait.
Combien sauveraient
les cinq
maintenant en tant que médecin ?
Combien sauveraient l'homme seul ?
Peu de gens,
je ne vois qu'une poignée de gens.
Pour la même raison, je suppose :
une vie contre cinq.
Considérons maintenant
un autre cas médical
cette fois vous êtes un chirurgien chargé d'une greffe
et vous avez cinq patients nécessitant désespérément la greffe
d'un organe pour survivre
l'un a besoin d'un coeur, l'autre d'un poumon,
l'autre d'un rein,
l'autre d'un foie,
et le cinquième
d'un pancréas.
Et vous n'avez aucun donneur d'organe à disposition
vous êtes sur le point
de les voir tous mourir
et alors
vous entendez
que dans la pièce à côté
il y a un homme sain qui vient pour un examen général de santé
et il est en train...
-vous aimez ça !-
... il est en train de faire une sieste.
Vous pourriez donc intervenir très tranquillement...
lui piquer cinq organes, ce qui entraînerait sa mort, ...
... mais vous pourriez en sauver cinq.
Combien le feraient ? Personne ?
Combien ? Levez la main si vous le feriez.
Personne au balcon ?
Vous le feriez ? Attention, ne vous penchez pas trop.
Combien refuseraient de le faire ?
Très bien.
Prenez la parole au niveau du balcon, que diriez-vous, vous
qui vous empareriez des organes, pourquoi ?
En fait, je voudrais envisager une éventualité
un peu différente, qui consiste à ne prendre qu'à l'un
des cinq qui a besoin d'un organe, et qui meurt en premier,
puis d'utiliser ses 4 organes sains pour sauver les autres quatre personnes.
C'est une très bonne idée.
Une excellente idée même,
si l'on excepte le fait
que vous venez de démolir le point philosophique.
Prenons un peu de distance
avec ces histoires et ces discussions
pour remarquer une série de choses
sur la manière dont les arguments ont commencé à être exposé.
Certains
principes moraux
ont déjà commencé à émerger
des discussions que nous venons d'avoir
et essayons d'examiner
à quoi ces principes moraux
ressemblent.
Le 1er principe moral qui a émergé de la discussion dit
que la bonne action, l'action morale
dépend des conséquences qui vont résulter
d'une action
au bout du compte
mieux vaut que cinq personnes vivent
même si une doit mourir.
Il s'agit d'un exemple
de raisonnement moral
"conséquentialiste".
Un raisonnement conséquentialiste situe la moralité d'une action dans ses conséquences,
dans l'état du monde qui va résulter
de ce que vous accomplissez.
Mais, un peu plus tard, nous avons envisagé d'autres cas
et les gens n'étaient alors plus tellement sûrs
de la validité
du raisonnement moral conséquentialiste.
Quand les gens ont hésité
à pousser le gros homme
par-dessus le pont
ou à chiper les organes d'un innocent
patient
Certains d'entre vous ont désigné
des raisons
qui concernent
la qualité intrinsèque
d'un acte
en lui-même
indépendamment des conséquences.
Des gens étaient réticents
d'autres pensaient que c'était simplement une mauvaise chose
une chose catégoriquement mauvaise
de tuer
une personne
une personne innocente
même pour la cause
du sauvetage
de cinq vies. Tout au moins, ces personnes ont pensé cela
dans la seconde version
de chaque histoire que nous avons réexaminée.
Par conséquent, cela réfère
à une seconde
manière
catégorique
de penser
le raisonnement moral.
Le raisonnement moral catégorique identifie la moralité à des exigences morales absolues
concernant certains devoirs et droits catégoriques
sans prendre en compte les conséquences.
Ce que nous allons examiner dans
les jours et semaines qui viennent, c'est le contraste entre
les principes moraux conséquentialistes et catégoriques.
Le plus influent
des exemples de
raisonnement moral conséquentialiste est l'utilitarisme, une doctrine inventée par
Jérémie Benthan, philosophe politique anglais du XVIIIème siècle.
Le plus important
des philosophes du raisonnement moral catégorique
est un philosophe allemand du XVIIIème :
Emmanuel Kant
Nous allons donc examiner
ces deux modes différents de raisonnement moral
les évaluer
mais aussi en considérer d'autres.
Si vous jeter un oeil sur le programme d'études, vous constaterez que nous allons lire un certain nombre de livres grands et fameux...
... par Aristote
... John Locke
Emmanuel Kant, John Stuart Mill
et d'autres.
Vous remarquerez d'après ce prgramme que nous ne nous contenterons pas de lire ces livres
mais aussi
de nous préoccuper
de controverses politiques et juridiques actuelles qui soulèvent des questions philosophiques.
Nous débattrons d'égalité et d'inégalité,
de discrimination positive,
de la liberté d'opinion opposée au discours de haine,
du mariage entre personnes de même sexe, de conscription militaire,
tout un champ de questions pratiques, qui ne sont pas
simplement destinées à égayer ces livres anciens et abstraits
mais pour rendre clair et distinct ce qui est en jeu dans nos vies quotidiennes,
vie politique inclue,
pour la philosophie.
Nous allons donc lire ces livres
et nous allons débattre
de ces problèmes et voir comment ils se nourrissent et s'éclairent mutuellement.
Tout cela pourrait sembler assez séduisant
mais c'est le moment
pour moi de formuler un avertissement
et cet avertissement est le suivant :
lire ces livres
ainsi
est une épreuve en matière de connaissance de soi
les lire de cette façon implique des risques,
qui sont aussi bien personnels que politiques,
des risques que connaît tout étudiant de philosophie politique.
Ces risques proviennent du fait
que la philosophie
nous élève
et nous bouscule
en nous confrontons à ce que nous connaissons déjà.
Là est le paradoxe :
la difficulté de ce cours consiste dans le fait qu'il nous enseigne ce que nous savons déjà.
Il fonctionne en extrayant
ce que nous savons de situations familières non mises en question
et les rend étranges.
C'est de cette manière que nos cas fonctionnaient
en travaillant
avec les hypothèses avec lesquelles nous avons commencé, et leur mélange d'enjouement et de sobriété.
C'est également la manière dont les livres philosophiques fonctionnent.
La philosophie nous éloigne
du familier
non pas en nous procurant de nouvelles informations
mais en nous invitant
et nous stimulant
à voir de façons nouvelles.
Mais, et là réside le risque,
une fois
que le familier se brouille
il ne redevient plus jamais le même.
La connaissance de soi
est comme l'innocence perdue
aussi déstabilisante
puissiez vous la trouver
on ne peut jamais
défaire la pensée
ou la rendre inconnue.
Ce qui rend cette entreprise difficile
mais également captivante
c'est que
la philosophie morale et politique est une histoire.
Vous ne savez pas comment elle finit, mais ce que vous savez
c'est que cette histoire
c'est la vôtre.
Voilà pour les risques personnels.
Voyons maintenant les risques politiques.
L'une des manière d'introduire un cours tel que celui-ci
serait de vous promettre
qu'en lisant ces livres
et en débattant de ces problèmes
vous allez devenir des citoyens meilleurs et plus responsables.
Vous allez examiner les présupposés qui sous-tendent la politique publique, vous allez affiner
votre jugement politique
vous allez devenir un acteur plus efficient dans le domaine des affaires publiques
mais ce serait là une promesse partielle et trompeuse.
La philosophie politique, pour l'essentiel, n'a jamais fonctionné ainsi.
Vous devez accepter l'éventualité selon laquelle
la philosophie politique va faire de vous de plus mauvais
plutôt que de meilleurs citoyens,
ou, au moins, d'abord un moins bon citoyen,
avant de vous rendre
meilleurs.
La raison en est que la philosophie
est une activité de distanciation
parfois débilitante.
...
Vous pourrez le constater
en revenant à Socrate
et son dialogue, le Gorgias,
où l'un des amis de Socrate,
Calliclès
essaye de le détourner
de l'activité de la philosophie.
Calliclès dit à Socrate que la philosophie est un charmant jeu
à condition de ne s'y vouer qu'avec modération et au bon moment de la vie
mais que si l'on s'en préoccupe au-delà, c'est la ruine absolue.
Suis mon conseil, dit Calliclès
renonce à l'argumentation
découvre les réalisations d'une vie active,
prend pour modèle les gens qui consacrent leur existence, non pas à ces arguties insignifiantes
mais ceux qui ont de bons moyens d'existence et une réputation
et bien d'autres qualités.
Ce que Calliclès dit véritablement à Socrate c'est :
délaisse la philosophie
reviens à la réalité
va faire une école de gestion !
Et Calliclès a raison sur un point
Il a raison
car la philosophie nous met à distance
des conventions, des présupposés établis
et des croyances installées,
tels sont les risques,
personnels et politiques
et face à ces risques, il existe un moyen typique de se dérober
le nom pour cette dérobade, c'est le scepticisme. C'est une idée
qui consiste à dire à peu près ceci :
"nous n'avons pas résolu, une fois pour toutes,..."
"... aucun des cas ou principes sur lesquels nous avons débattu depuis le début ..."
"... et si Aristote ..."
"... Locke, Kant ou Mill n'ont pas trouvé la solution à ces questions après toutes ces années ..."
" ... qui sommes-nous pour avoir la prétention de penser ..."
" nous qui sommes ici dans l'amphithéâtre Sander pour un semestre"
"que nous pourrions les résoudre"
"Peut-être s'agit-il d'un sujet"
"sur lequel chaque personne peut avoir ses propres principes personnels et sur lequel rien ne peut être dit de plus"
"Cela ne sert à rien"
"de raisonner !"
Voilà la dérobade
C'est l'échappatoire du scepticisme,
à laquelle j'aimerais opposer
la réponse suivante :
il est vrai
que ces questions sont débattues depuis très longtemps
mais le fait même
qu'elles ne cessent de durer et de se reposer
pourrait signifier
que bien qu'elles soient insolubles en un sens
elles sont inévitables en un autre sens
et la raison pour laquelle elles sont inévitables
est que nous vivons quotidiennement selon une forme de réponse
à ces questions.
Le scepticisme, qui consiste à se résigner et à renoncer à toute réflexion en matière morale,
n'est pas la solution
Emmanuel Kant
a très bien décrit le problème du scepticisme quand il écrivit
qu'il s'agit d'un lieu de repos pour la raison humaine :
un lieu où il peut réfléchir sur ses errements dogmatiques
mais où on ne peut installer une résidence permanente.
Selon Kant, le fait d’acquiescer au scepticisme...
... ne pourra jamais suffire à satisfaire notre raison insatiable.
Au travers de ces histoires et de ces arguments, j'ai cherché à donner
une certaine idée des risques et tentations,
des périls et des possibilités. Je concluerais simplement en disant
que le but de ce cours
est de réveiller
ce caractère insatiable de la raison
et de voir où cela peut nous mener.
Merci beaucoup.
- Dans une situation désespérée ...
... vous devez faire ce que vous avez à faire pour survivre.
- Vous avez à faire ce que vous avez à faire, n'est-ce pas ?
Ce que vous
devez faire, d'abord,
si vous avez passé dix-neuf jours sans aucune nourriture
quelqu'un doit se sacrifier pour que les autres puissent survivre. Parfait, c'est très bien. Quel est votre nom ? Marcus.
Marcus. Que voulez-vous dire à Marcus ?
Dans la dernière séance
nous avons démarré
avec certaines histoires
des dilemmes moraux
sur des tramways
des docteurs
et des patients sains
susceptibles
de devenir victimes de transplantations d'organes.
Nous avons remarqué deux choses
à propos des arguments que nous avons échangés
La première concernait la manière dont nous débattions
Après des jugements sur des cas particuliers
nous avons essayé d'articuler les raisons et principes
qui sous-tendaient nos jugements
et nous les avons ensuite confrontés à un nouveau cas
qui nous a obligés à réexaminer ces principes
à les réviser à leur lumière mutuelles
et nous avons remarqué une certaine résistance inhérente à nos efforts pour mettre en cohérence
nos jugements sur des cas particuliers
et les principes que nous serions prêts à approuver.
Après réflexion
nous avons relevé un point concernant l'essence des arguments
qui ont émergé de la discussion.
Nous avons remarqué que parfois nous étions tentés de situer la moralité d'un acte à ses conséquences
dans les résultats, l'état du monde qui en sort.
C'est ce qu'on appelle le raisonnement
moral conséquentialiste.
Mais nous avons aussi remarqué que
dans certains cas
nous n'étions pas simplement déterminés
par les résultats.
Parfois
un grand nombre d'entre nous pensons
que ce ne sont pas simplement les conséquences, mais aussi la qualité ou le caractère intrinsèque d'une action
qui comptent moralement.
Certains ont soutenu que certaines choses sont simplement catégoriquement mauvaises
même si elles débouchent
sur un bon résultat.
Même
si elles conduisent à sauver cinq personnes
au prix d'une seule.
Nous avons donc opposé les principes moraux
conséquentialiste
avec les catégoriques.
Aujourd'hui
et au cours des quelques prochaines journées
nous allons commencer à examiner
l'une des versions les plus influentes
de la théorie morale du conséquentialisme.
Il s'agit de la philosophie utilitariste.
Jérémie Bentham
le philosophe politique anglais
du XVIIIème siècle
a donné
la première expression systématique clair
à la théorie morale
utilisariste.
Et l'idée de Bentham
son idée essentielle
est très simple.
avec moralement beaucoup
d'attrait intuitif.
...
L'idée clé de Benthma est
la suivante :
la bonne action
l'action juste
consiste
à maximiser
l'utilité.
Qu'entend-il par "utilité" ?
Il entend l'équilibre
du plaisir sur la douleur
du bonheur sur la souffrance.
Voici comment nous sommes arrivés
au principe
de maximisation de l'utilité.
Il commence par observer
que nous tous
les êtres humains
sommes gouvernés par deux maîtres souverains
le plaisir et la peine
Nous, êtres humains,
aimons le plaisir et réprouvons la peine
et donc nous devrions fonder la moralité
qu'il s'agisse de penser ce que nous devons faire dans nos propres vies
ou en tant
comme législateurs ou citoyens
quand nous réfléchissons aux lois qui devraient exister,
la bonne chose à faire individuellement ou collectivement
est d'agir en sorte de maximimiser
le niveau général
de bonheur.
L'utilitarisme de Bentham est souvent résumé par le slogan
le plus grand bien pour le plus grand nombre.
Munis de ce principe basique
de l'utilité
commençons pas le mettre à l'épreuve et l'examiner
en nous intéressant à un autre cas
une autre histoire, mais cette fois
pas une histoire hypothétique
une histoire tirée de l'histoire réelle.
Il s'agit du cas
de la Reine contre Dudley et Stephens.
Il s'agit d'un cas de jurisprudence anglais du XVIIIème siècle
qui est très célèbre
et largement débattu dans les écoles de droit.
Voici ce qui s'est passé dans ce cas
Je vais d'abord résumer l'affaire
et ensuite j'aimerais entendre la façon
dont vous rendriez votre jugement
en imaginant que vous soyez jurés.
Un compte-rendu d'un journal de l'époque
décrit le contexte:
la triste histoire d'un désastre en mer
qui n'a jamais été racontée
que par les survivants du voilier
Mignonette.
Le bateau a coulé dans l'Atlantique sud
à plus de 2000km du cap.
Il y avait 4 personnes dans l'équipage
Dudley le capitaine
Stephen, le premier adjoint
Brooks le marin
Tous hommes
d'excellent caractère
selon ce que le rapport du journal
nous raconte.
La quatrième membre, l'homme de cabine,
Richard Parker
avait 17 ans.
C'était un orphelin
il n'avait aucune famille
et c'était son premier long voyage en mer.
Selon le compte-rendu, il s'oppose
aux conseils de ses amis.
Il part avec les espoirs d'une jeune ambition
estimant que le voyage ferait de lui un homme.
Malheureusement, cela n'allait pas être le cas,
les faits de l'affaire ne faisaient pas l'objet d'un débat
une vague a balayé le bateau
et la Mignonette a coulé.
Les quatre membre de l'équipage s'échappent sur un canot de sauvetage
la seule
nourriture dont ils disposent
consistait en deux
conserves
de navets
sans eau propre
Pendant les trois premiers jours, ils ne mangent rien.
Au quatrième jour, ils ouvrent l'une des boîtes de navets
et la mangent.
Le jour suivant, ils attrapent une tortue
ensemble avec l'autre boîte de navets.
La tortue
leur permet de subsister
pendant les quelques jours suivants, mais ensuite pendant huit jours
ils n'ont plus rien
ni nourriture, ni eau.
Mettez-vous dans une situation telle que celle-ci :
qu'auriez-vous fait ?
Voici ce qu'ils firent.
Entre temps, Parker, le mousse de cabine est étendu au fond du canot de sauvetage dans un coin
parce qu'il a bu de l'eau de mer
contre le conseil de ses compagnons
Il est tombé malade
et semble être en train de mourir
si bien qu'au dix-neuvième jour, le capitaine Dudley propose
qu'ils devraient tous
tirer au sort
pour voir qui
devrait mourir
pour sauver les autres.
Brooks
refuse.
Il n'aime pas cette idée de loterie.
Nous ignorons si
c'était parce qu'il ne voulait pas courir le risque ou parce qu'il adhérait à des principes moraux catégoriques
...
mais en tout cas
aucun tirage au sort n'eut lieu.
Le jour suivant
toujours aucun bateau en vue
alors Dudley demanda à Brooks de détourner le regard
et il fit signe à Stephens
que le mousse Parker devait être tué.
Dudley récite une prière
dit au jeune homme que son temps est venu
et le tue avec un canif
d'un coup dans la veine jugulaire.
Brooks finit par renoncer à son objection de conscience concernant le partage de l'horrible butin.
Pendant quatre jours
trois d'entre eux se nourissent du corps et du sang du mousse.
Il s'agit d'une histoire vraie.
Ils sont alors sauvés.
Dudley décrit leur sauvetage
dans son journal
avec un euphémisme stupéfiant, je cite :
"Au 20 ème jour,
alors que nous petit-déjeunions [rires]
un bateau apparaît enfin."
Les trois survivants sont récupérés par un bateau allemand. Ils sont rapatriés à Falmouth en Angleterre
où ils sont arrêtés et jugés
Brooks
devient témoin pour l'Etat
Dudley et Stephen sont jugés. Ils ne remettent pas en cause les faits
ils avancent
qu'ils ont agi par nécessité.
Telle était leur défense :
ils avancent en effet
qu'il vaut mieux qu'un seul meure
pour que trois puissent survivre.
Le procureur
ne suit pas cette argumentation :
il dit qu'un meurtre est un meurtre
et donc le cas est jugé.
Imaginez que vous êtes les jurés
et simplement aux fins de simplifier la discussion
faites abstraction de la question de droit
et supposons qu'en tant
que jury
vous êtes chargés de décider
si ce qu'ils ont accompli était moralement
acceptable ou non.
Combien d'entre vous
voreraient
non coupable, estimant que ce qu'il ont fait était moralement acceptable ?
Et combien d'entre vous voteraient coupable
en disant qu'ils ont mal agi moralement ?
Un majorité assez importante.
Maintenant examinons ce que sont les raisons des uns et des autres, en commençant par ceux qui sont dans la minorité.
Ecoutons d'abord
les défenseurs de Dudley et Stephens.
Pourquoi les exonéreriez ?
Quelles sont vos raisons ?
Je pense que l'acte est moralement condamnable
mais je pense qu'il existe une différence entre ce qui est moralement réprehensible
et ce qui vous rend légalement responsable.
En d'autres termes, comme le juge le disait, ce qui est toujours moral n'est pas nécessairement
contraire à la loi et même si je ne pense pas que la nécessité
puisse justifier
le vol, le meurtre ou tout autre acte illégal
à un certain point, le degré de nécessité qui est le vôtre
vous exonère de tout sentiment de culpabilité. Ok.
Y a-t-il d'autres défenseurs, d'autres voix pour la défense ?
Des justifications morales de
ce qu'ils ont fait ?
Oui, merci
...
J'ai simplement le sentiment
qu'en une situation aussi désespérée vous devez faire ce que vous avez à faire pour survivre.
Vous avez à faire à ce que vous avez à faire
ouais, c'est ça tu dois faire ce que tu dois faire
Si vous avez vécu
dix-neuf jours sans nourriture
vous savez que quelqu'un doit simplement être sacrifié, doit faire des sacrifices pour que les gens puissent survivre
et en plus de cela
disons que s'ils survivent et deviennent alors des membres qui contribuent à la société, qui rentrent dans leur patrie et qui établissent disons
un million d'organisations charitables et ceci ou cela, eh bien je pense qu'au bout du compte tout le monde en profite.
Au fond, je ne sais pas ce qu'ils ont fait par la suite, au fond ils pourraient
avoir continué en tuant plus de gens
mais peu importe.
Comment ? Et si ils rentrent chez eux et s'avèrent être des assassins ?
Et s'ils rentrent chez eux et s'avèrent être des assassins ?
Vous chercheriez sans doute à savoir qui ils ont assassionés.
C'est vrai aussi, c'est acceptable.
Je chercherais à savoir qui ils ont assassinés.
OK, c'est intéressant. Quel est votre nom ? Marcus.
Nous venons d'entendre la défense
deux voix pour la défense
Maintenant il faut que nous entendions
l'accusation
La plupart des gens pensent
que ce qu'ils ont fait était une mauvaise action, pourquoi ?
Au départ mon premier mouvement était de penser, oh après tout, il n'ont pas pu manger pendant un très long moment
peut-être
alors
que leurs facultés mentales étaient altérées
ce qui pourrait être utilisé par la défense
C'est un argument plausible : "oh
puisqu'ils n'avaient plus tout leur jugement, ils ont pris
des décisions qu'ils n'auraient jamais prises autrement".
Mais si cet argument est séduisant
cela suggère que les gens qui trouvent cet argument convaincant
[estiment que ce n'est pas normalement l'acte d'un homme éclairé]
Mais estimez-vous qu'ils agissent immoralement ? J'aimerais savoir ce que vous pensez. Vous êtes du côté de la défense.
- ah non, désolé, vous avez voté pour qu'ils soient reconnus coupables.
- ouioui, je ne pense pas qu'ils ont agi d'une façon appropriée
sur le plan moral.
- Et pourquoi pas. Souvenez-vous de Marcus
il vient de les défendre,
il disait
vous avez entendu ce qu'il disait,
Oui, en effet
Oui
que vous aviez à faire ce que vous aviez à faire dans une situation comme celle-là
Qu'avez-vous à répondre à Marcus ?
Qu'ils n'avaient pas à faire cela,
qu'il n'existe aucune situation qui autorise des êtres humains
à forcer le destin ou à mettre la vie des gens entre leurs mains :
nous n'avons pas ce type de pouvoir.
Bien, ok.
Merci, et quel est votre nom ?
Britt? ok.
Qui d'autre ?
Qu'avez-vous à dire ? Levez-vous.
Je me demandais si Dudley et Stephens avaient cherché le consentement de Richard Parker, dans le fait de mourir.
Si cela était le cas
cela les exonérerait-il
d'un acte de meurtre, et si oui cela l'acte serait-il pour autant moralement justifiable ?
C'est intéressant. Très bien. "Le consentement". Attendez un moment. Quel est votre nom ? Kathleen.
Kathleen. Supposons que ce soit le cas, à quoi ce scénario ressemblerait-il ?
L'histoire se déroulerait ainsi :
Dudley est présent, avec son canif à la main,
mais au lieu d'une prière
ou avant la prière
il dit à Parker
est-ce que cela t’ennuierait s'il te plaît
nous sommes désespérément affamés
-et Marcus en est très touché-
nous sommes désespérément affamés
de toutes façons tu n'en as plus pour longtemps
tu as l'opportunité de devenir un martyre
Aimerais-tu devenir un martyre ?
Qu'en penses-tu Parker ?
Et alors, et alors...
qu'en pensez-vous ? Cela serait-il justifiable ?
Supposez que Parker
dans sa semi-stupeur
dise "très bien"
Je ne pense pas que cela soit moralement légitime, mais je me pose la question.
- Même avec le consentement cela ne serait pas acceptable ? - Non.
Vous pensez donc que même avec le consentement
cela ne serait pas défendable moralement .
D'autres personnes sont-elles prêtes ici
à reprendre l'idée de consentement
de Kathleen
mais qui pensent que cela rendrait l'acte moral ? Levez la main si vous pensez
que ce serait le cas.
C'est très intéressant.
Pourquoi le consentement
entraînerait-il une différence sur le plan moral ?
En fait, je pense que ce n'est seulement qu'à la condition que cela soit son idée originale
que ce soit lui qui ait commencé à avoir cette idée
cela serait la seule situation dans laquelle je pense que le consentement serait véritable
parce qu'ainsi personne ne pourrait dire qu'il
a subi une pression, parce que le ratio était de trois
contre un
et je pense que
s'il avait pris la décision d'offrir sa vie alors il aurait pris la responsabilité
de se sacrifier par lui-même, ce que certains auraient trouvé admirable et d'autres
condamnable.
Autrement dit, c'est seulement s'il avait introduit l'idée
que nous pourrions avoir confiance dans ce type de consentement.
Moralement, cela serait alors acceptable.
Autrement,
cela serait une forme de consentement contraint par la violence
des circonstances.
C'est ce que vous pensez.
Est-ce que quelqu'un pense
que même le consentement de Parker
ne justifierait
pas son exécution ?
Qui pense cela ?
Oui, dites-nous pourquoi, levez-vous
Je pense que Parker
est tué
avec l'espoir que les autres membres de l'équipages soient sauvés.
Il n'y a donc pas de raison bien certaine pour les tuer
puisqu'ils ne savent pas avec certitude
si l'on viendra les sauver : il est donc possible qu'on le tue en vain.
Va-t-on continuer un membre de l'équipe après l'autre jusqu'au sauvetage jusqu'à ce qu'il n'en reste plus qu'un...
... au motif que quelqu'un mourra de toutes façons ?
C'est bien ce qui semble être la logique de la situation :
ils continueraient probablement
à choisir le plus faible, l'un après l'autre,
jusqu'à ce qu'ils soient
sauvés, et dans notre cas alors que trois étaient encore vivants.
Maintenant si
si Parker avait bien donné son consentement
tout serait-il bien selon vous ou pas ?
Non, cela ne serait pas bien.
Expliquez-nous alors pourquoi.
Premièrement, le cannibalisme est selon moi
moralement mauvais
On ne doit donc pas manger un être humain de toutes façons.
Donc
si le cannibalisme est moralement répréhensible en-dehors de ce cas
il l'est aussi dans le cas
d'une personne qui attendrait la mort d'une personne
il serait alors toujours condamnable
Oui, à mes yeux
j'ai le sentiment
que tout dépend
de la morale personnelle de chacun... on ne peut pas simplement... enfin ce n'est que mon opinion...
bien sûr d'autres personnes vont me contredire...
Ej bien, nous allons voir, écoutons en quoi ils sont en désaccord.
Et alors nous verrons
s'ils ont des raisons
qui peuvent vous persuader ou non.
Essayons ça.
Voyons
maintenant s'il y a quelqu'un
qui peut expliquer, pour ceux qui sont tentés par le consentement,
qui pourrait expliquer
pourquoi le consentement produit
une telle différence morale ?
Que pensez-vous de l'idée du tirage au sort ?
Est-ce que cela s'assimile à du consentement ? Souvenez-vous au départ
Dudley a proposé une loterie
supposez qu'ils se soient mis d'accord
pour ce tirage au sort
alors
combien auraient estimé
que ce serait bien. Supposons qu'il y ait ce tirage au sort,
que le mousse ait perdu
et que le reste de l'histoire en découle. Combien d'entre vous y verraient quelque chose de moralement acceptable ?
Donc les chiffres montent quand on ajoute un tirage au sort ! Ecoutons l'un de ceux
pour qui la loterie produit une différence morale
Pourquoi donc ?
Je pense que l'élément
essentiel,
qui constitue un crime est
l'idée qu'ils ont décidé à un certain moment que leurs vies étaient plus importantes que la sienne, et cela
je pense que c'est le fondement d'à peu près tout crime
n'est-ce pas ? C'est un peu comme dire
mes besoins, mes désirs sont plus importants que les tiens, les miens priment
alors que s'ils avaient organisé un tirage au sort où chacun aurait consenti
que l'un d'autre eux devrait mourir
alors c'est d'une certaine façon comme s'ils se sacrifiaient tous eux-mêmes,
pour sauver les autres.
Alors tout serait pour le mieux ?
Cela paraît un peu grotesque mais, ...
... est-ce moralement acceptable ?
- Oui.
Quel votre nom ? Matt.
Donc Matt
ce qui vous contrarie, ce n'est pas
le cannibalisme mais l'absence d'un processus régulier.
Je suppose qu'on peut dire cela.
Et est-ce qu'une personne qui serait d'accord avec Matt
pourrait en dire un peu plus
sur la raison pour laquelle
un tirage au sort
rendrait selon vous
de la moralité à l'action ?
Selon la manière dont j'ai compris la situation le problème provenait du fait que le mousse n'a jamais été
consulté
sur le fait que quelque chose lui arriverait ou non, et même dans
le tirage au sort initial
s'il en ferait partie au non. On a juste décidé pour lui
qu'il allait être celui qui allait mourir.
- Oui c'est bien ce qui s'est passé dans le cas réel...
... mais s'il y avait eu ce tirage au sort et que tous se seraient mis d'accord sur la procédure ...
pensez-vous que cela aurait été acceptable ?
Oui, parce que tout le monde aurait conscient qu'il y aurait un mort
alors
que l'on sait que le mousse de cabine ne savait même pas
qu'une discussion avait seulement lieu
il n'y avait
d'avertissement préalable
qu'il lui aurait permis de savoir "hé, je pourrais être celui qui va mourir". Of, mais supposons maintenant que tout le monde approuve
le principe de la loterie, qu'elle ait lieu, que le mousse perde et qu'il change alors d'avis.
Il avait déjà pris une décision : il s'agit d'un accord verbal, sur lequel vous ne pouvez revenir. La décision fut prise.
Vous savez que vous allez mourir pour permettre aux autres de vivre.
Vous savez
que si un autre que vous allait mourir
vous l'auriez mangé, donc...
Mais alors, il pourrait dire je le savais, mais j'ai perdu.
Je pense que tout le problème moral tient au fait que le mousse n'a pas été consulté
et le plus terrible
est qu'il n'avait aucune idée de ce qui se tramait. S'il avait su
cela aurait
été un peu plus compréhensible.
Parfait, j'aimerais maintenant entendre...
Il y a donc ceux qui pensent
que l'action est acceptable moralement
mais seulement à peu près 20%
conduits par Marcus
il y a ensuite ceux qui disent
que le véritable problème
tient à l'absence de consentement
qu'il s'agisse de l'absence de consentement au tirage au sort ou à une procédure réglée
ou
et c'est l'idée de Kathlenn
l'absence de consentement
au moment
de la mort.
Si nous ajoutons ce consentement
alors
plus de gens sont prêts à envisager
que le sacrifice est moralement justifié.
Pour terminer, j'aimerais entendre
ceux de vous qui pensent
que même avec le consentement
même avec une loterie
et même avec
un murmure
de consentement final de Parker
au derniers
instants
cela serait toujours
mauvais sur le plan moral
et pourquoi cela serait mauvais.
Voilà ce que j'aimerais entendre.
Eh bien pendant toute cette discussion
je ne cesse de me rapprocher vers le raisonnement moral catégorique.
Je pense qu'il
y aurait une éventualité dans laquelle je pourrais approuver l'idée qu'une loterie ait lieu si le perdant
se donnait lui-même
la mort
...
Il n'y aurait donc de meurtre mais je persiste à penser
que même dans ce cas, tout serait contraint et je ne pense pas non plus qu'un seul remord
soit exprimé dans le journal de Dudley.
"Nous )petit-déjeunons" :
on dirait qu'il de ce gens d'état d'esprit
qui nie la valeur de la vie d'un autre.
Tout cela fait que
je me sens le devoir d'adopter l'attitude catégorique. On a envie de lui le jeter son journal à la figure..
... lorsqu'il manque de remords ou du moindre sentiment d'avoir commis quelque chose de mal.
- Très bien.
Parfait, y a-t-il d'autres
défenseurs qui
estiment que l'acte est catégoriquement mauvais, avec ou sans consentement. Oui, levez-vous. Pourquoi ?
Je pense que notre société est indubitablement structurée selon l'idée qu'un meurtre est un meurtre
un meurtre est un meurtre et ceci dans tous les cas où notre société l'envisage
et je ne pense que cela change en fonction de la situation. OK, mais laissez-moi vous poser une question.
Trois vies étaient en jeu
contre une seule.
Cette vie, c'est celle du mousse qui était sans famille
sans personnes à charge
alors que les autres avaient des familles et beaucoup de personnes à charge qui attendaient leur retour en Angleterre
Epouses et enfants.
Repensez à Bentham.
Bentham soutient que nous devons prendre en considération
le bien-être, l'utilité, le bonheur
de tous. Il faut donc tout aditionner
il ne s'agit pas que des chiffres "trois contre un",
c'est aussi tous ces gens restés au pays.
En fait, le journal londonien de l'époque, The Times,
et l'opinion publique avaient de la sympathie pour eux
Dudley et Stephens
et le journal écrivait que s'il n'avaient pas
été motivés
par l'affection
et le souci des personnes aimée ou à charge restées au pays, ils n'auraient sûrement pas
fait cela.
- Oui, mais en quoi est-ce différent des gens
qui sont au coin de la rue
et ont ce même désir de nourrir leur famille ? A mes yeux, cela n'est pas différent. Je pense que dans tous les cas,
si je vous assassine pour améliorer mon état, il s'agit bien d'un meurtre et je pense que nous devons considérer toute
cette situation à la même lumière. Au lieu de criminaliser
certaines activités
et considérer que certaines semblent plus violentes ou sauvages
alors que dans ce même cas c'est exactement la même action et mentalité
qui conduisent au meurtre, à savoir la nécessité de nourrir leurs familles.
Supposez qu'ils n'étaient pas trois, mais trente
ou 300,
une vie pour en sauver trois-cents
ou avec un peu plus de temps
trois mille
ou supposez que les enjeux soient encore plus grands.
Supposez que les enjeux soient encore plus grands.
Je pense que c'est toujours la même affaire.
Estimez-vous que Bentham avait tort de dire que la bonne action
consiste à aditionner
le bonheur collectif. Pensez-vous qu'il s'est trompé sur ce sujet ?
Je ne pense pas mais un meurtre est un meurtre dans tous les cas. - Eh bien alors Bentham doit avoir tort
si vous avez raison, alors il a tort. Très bien, alors il a tort.
Bien, merci, bravo.
Bien, prenons un peu de recul
par rapport à toute cette discussion
et prêtons attention
au nombre d'objections qui ont été exprimées sur leurs actes.
Nous avons entendu des arguments pour les défendre.
Elles étaient liées à la
nécessité
aux circonstances extrêmes et,
au moins implicitement,
à l'idée que les nombres importent
et pas simplement les nombres
mais les conséquences au sens large
leurs familles, les personnes à charge restées au pays.
Parker était orphelin
il n'aurait manqué à personne
donc si vous
aditionnez
et essayiez de calculer
le solde
entre le bien-être et la souffrance
vous pourriez avoir un argument
pour dire qu'ils ont fait une bonne action.
Nous avons alors entendu au moins trois types d'objections différentes
une objection disait
que leurs actes étaient catégoriquement mauvais
juste ici au fond
catégoriquement immorale.
Un meurtre est un meurtre, qui est toujours mal
même si
cela accroît le bien-être général
de la société.
C'était l'objection catégorique.
Mais il nous reste encore à examiner
pourquoi le meurtre
est catégoriquement mauvais.
Est-ce parce
que même les mousses de cabine ont certains droits fondamentaux ?
Et si telle est la raison
d'où proviennent ces droits, si ce n'est de l'idée
du bien-être général, de l'utilité ou du bonheur. Question n°1.
D'autres ont avancé
qu'un tirage au sort aurait tout changé
une juste procédure
comme le disait Matt.
Vous avez été un certain nombre à avoir été convaincus.
Il ne s'agissait pas tout à fait d'une objection catégorique
elle avancait
que chacun avait à être considéré de façon égale
même si, au bout du compte,
l'un d'entre eux aurait à être sacrifié
au nom du bien-être général.
Cela nous conduit à examiner une autre question
En quoi un accord à une certaine procédure
même une procédure "juste"
justifierait son résultat quel qu'il soit
à partir du fonctionnement de cette procédure ?
Question n°2
Et question n°3.
L'idée fondamentale du consentement.
Kathleen nous y a conduit.
Si le mousse avait consenti par lui-même
et non sous la contrainte
comme cela a été précisé
alors il aurait acceptable de prendre sa vie pour sauver les autres.
Une proportion encore plus large d'entre vous a adhéré à cette idée
mais soulève
une 3ème question philosophique
Quelle est l'action morale
du consentement ?
...
Pourquoi l'acte du consentement
produirait-il une telle différence morale
au point qu'un acte supposé mauvais sans consentement -prendre une vie-
deviendrait
moralement acceptable
avec lui?
Pour examiner ces trois questions
nous devrons lire quelques philosophes
et lorsque nous commencerons la prochaine fois
nous allons lire
Bentham
et John Stuart Mill, deux philosophes utilitaristes.
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