Merci, merci beaucoup.
Ca va pour le volume ? Tout le monde m'entend bien ?
Merci beaucoup pour cette introduction
et merci de m'avoir invité à parler devant vous aujourd'hui
Cet évènement s'intitule "Pour un copyright raisonnable.
Quelle solution pour l'Union Européenne ?"
Et je crois que c'est un intitulé tout à fait pertinent
car j'ai le sentiment que l'Union Européenne, et en particulier le Parlement
sont à la croisée des chemins, avec cette directive sur l'extension de la durée des droits d'auteur
et j'espère qu'au cours de la matinée
nous parviendrons à trouver le bon chemin.
D'un côté, nous avons une histoire,
celle du pauvre artiste, arrivé au terme de son existence,
son droit d'auteur expire, il ne peut plus subvenir à ses besoins, il est dans la misère.
On connait cette histoire
La Commission Européenne a proposé un texte pour lui venir en aide
C'est l'une des initiatives législatives élaborées par la Commission
autour du copyright à l'ère numérique.
Voilà pour le premier chemin.
De l'autre côté, nous avons un mécontentement croissant
chez les citoyens ordinaires, à propos de cette proposition de directive.
Est-ce que les gens dans la salle peuvent m'indiquer s'ils ont vu
la vidéo produite par le groupe Open Rights
"A qui profite vraiment l'allongement de la durée du copyright ?"
Peut-être ne lève-t-on la main que pour voter, dans cette institution
mais si vous l'avez vu, merci de lever la main.
Vous faites partie des 20 000 personnes qui ont regardé cette vidéo
et plusieurs personnes l'ont traduite bénévolement
dans leur langue maternelle
afin de faire partager leur inquiétude au sujet de cette directive.
15 000 citoyens Européens ont signé notre pétition demandant aux parlementaires Européens de rejeter cette directive.
Et je sais de source sûre
que les téléphones ici à Bruxelles ont été pris d'assaut par des administrés demandant à leurs représentants
d'assister à cet évènement et de voter contre l'extension de la durée du copyright
lorsqu'elle passera en séance plénière cette année.
Pouvez-vous nous donner l'adresse de cette vidéo ?
Oui... Si vous vous rendez sur soundcopyright.eu, vous trouverez un lien
qui vous permettra de la regarder.
Et je pense que l'affluence à cet évènement ne fait que démontrer
a quel point cette directive est controversée.
La question qui nous occupe aujourd'hui est "Que doivent faire les parlementaires Européens" ?
Quel panneau doivent-ils suivre, et sur quel chemin doivent-ils s'engager ?
Commençons par examiner le conte de fée.
Voici l'histoire d'un pauvre artiste qui,
après avoir joué de la guitare sur un morceau dans les années 60
et avoir touché des royalties sur ce morceau
durant près de 50 ans, va bientôt voir son copyright expirer et ses royalties cesser.
Cet interprète va de ce fait, nous dit-on, sombrer dans une misère encore plus grande.
Il va perdre sa principale source de revenus, nous explique-t-on,
au moment même où il en a le plus besoin.
Vous conviendrez avec moi que c'est une histoire assez simple.
Suffisamment simple pour convaincre les parlementaires de lui donner une fin heureuse.
Mais comme beaucoup d'histoires simples,
elle laisse beaucoup de questions sans réponses.
Qu'a fait ce pauvre interprète, au cours des cinquante dernières années ?
A-t-il continué à interpréter des morceaux ?
Si oui, les royalties de ses morceaux plus récents lui fournissent-ils un revenu ?
Jimmy Page était considéré comme jeune
quand il a participé à sa première session d'enregistrements pour Decca Records au début des années 60.
Lorsque son premier copyright d'interprète expirera, il aura presque 70 ans.
Est-ce que notre pauvre artiste, au contraire de Jimmy Page,
est pauvre parce que personne à l'époque n'a acheté son disque
dans ce cas, en quoi le fait de lui donner 45 années de plus pour ne vendre aucun disque
le rendra plus riche ?
Ou bien peut-être a-t-il, comme notre ancien premier ministre Tony Blair
abandonné ses rêves de rock-star pour poursuivre une autre carrière ?
et qu'il ait eu du succès ou non
et qu'ils soit resté un artiste ou qu'il ait choisi un chemin différent
n'a-t-il pas, comme nous le faisons tous, mis de côté une partie de ses revenus durant sa vie professionnelle
en prévision de ses vieux jours ?
Comme "Jacques et le haricot magique",
"Cendrillon", "Rapunzel", et tous les contes de fée célèbres en Europe
cette histoire du pauvre artiste ne résiste pas vraiment à l'analyse.
Alors, pourquoi la raconte-on aux parlementaires ?
Mesdames et Messieurs, je suis prête à parier que si on vous raconte des contes de fée,
c'est parce que si on vous racontait la vérité
vous rejetteriez l'extension de durée sans hésiter.
Comme vont vous l'expliquer les différents intervenants de ce matin,
tout porte à croire que la directive sur l'allongement de la durée n'aidera en rien
les pauvres artistes
mais en revanche elle remplira les poches des quatre majors de l'industrie musicale.
Je me demande parfois s'il ne faudrait pas les appeler les frères Grim
puisque ce sont elles qui vous ont raconté des contes de fée
L'artiste Européen moyen ne va toucher que 50 centimes
50 centimes d'euro par an, en terme de revenu supplémentaire généré par les ventes durant le délai allongé
si les sommes sensées revenir aux musiciens qui figurent dans la proposition de la Commission
ne sont pas englouties par les frais de gestion des labels et des sociétés de gestion collective des droits qu''ils dirigent
parce que soyons lucides,
retrouver la trace d'un violoniste qui a travaillé avec vous il y a cinquante ans
risque de prendre du temps et de coûter cher
Ce chiffre peut grimper jusqu'à 26 euros par an.
Mais vous conviendrez avec moi qu'on est encore loin d'une retraite
Mais il ne s'agit que du revenu des ventes, qu'en est-il des revenus que les artistes reçoivent des diffuseurs,
des taxes sur les appareils, ou des licences acquittées par les coiffeurs, les clubs de gym ou les restaurants ?
En fait, la Commission a été contrainte de reconnaitre
après que le groupe Open Right le leur ait démontré
que ces flux de revenus vont probablement diminuer pour les artistes vivant
si la directive sur l'allongement finit par passer.
Pourquoi ? Parce que les revenus qui iraient autrement à de jeunes artistes
au commencement de leur carrière
vont aller vers le patrimoine d'artistes morts.
A qui cela va-t-il vraiment profiter ?
Pas aux consommateurs
dont je suis une représentante, ce sont eux qui au final vont payer d'avantage
à hauteur de 480 millions de livres pour le seul Royaume Uni
selon des études indépendantes diligentées par le gouvernement Américain.
Non, cela va bénéficier aux maisons de disque. Aux frères Grim.
Et comme ces bénéfices vont seulement revenir aux maisons de disque avec de grands catalogues
il s'agira en fait des quatre majors.
Et elles vont gagner chacune jusqu'à 4 millions d'euros par an.
Nos intervenants de la matinée vont entrer dans les détails concernant les preuves
preuves qui proviennent de tous les principaux centres de recherche Européens sur la propriété,
des plus éminents économistes et de gens aux premières loges de l'industrie musicale Européenne.
Ils s'attacheront à vous expliquer pourquoi Ben Hugenhelf, conseiller à la Direction Générale du marché intérieur,
a lui-même admis que la directive sur l'extension de la durée est une tentative délibérée de tromper les parlementaires.
J'aimerais terminer cette intervention en tentant d'expliquer pourquoi vous devez vous intéresser à ce sujet.
Pourquoi faudrait-il s'intéresser au fait que cette directive ne va aider en rien les artistes
et ne fera que remplir les poches des géants des médias
aux dépends de vos électeurs.
Il faut s'y intéresser parce que les citoyens Européens n'aiment pas les contes de fée
et plus précisément, vos électeurs n'aiment pas se rendre compte que leurs représentants élus
élaborent des lois sur la base de contes de fée
et les citoyens Européens sont plutôt remontés contre la directive sur l'extension de la durée.
J'aimerais vous lire une brève sélection des commentaires qui ont été laissés
par les gens sur nos vidéos (dont j'ai mentionné l'URL)
et qui, en passant, a été la 11e vidéo la plus populaire sur Youtube la semaine dernière au Royaume-Uni,
et je vous rappelle que la semaine dernière, c'était l'investiture d'Obama.
Voici quelques uns de ces commentaires
"Charlie McCreevy doit partir. La proposition de la Commission est un pur scandal !"
un autre,
"Cette proposition a l'odeur d'une industrie en phase terminale qui s'agrippe désespérément. Elle ne fait rien pour les artistes en difficulté"
"C'est lamentable que l'Union Européenne se soit laissé berner"
Un troisième commentaire :
"Si cette directive passe, le grand public comprendra vite à qui elle est vraiment censé bénéficier".
"C'est exactement pour cela que plus personne ne se soucie de respecter le copyright".
Cette dernière remarque mérite qu'on s'y attarde.
En ce moment même, rien qu'au Royaume Uni, on estime à 6 millions le nombre de citoyens
qui enfreignent le copyright en se livrant au partage de fichiers sur les réseaux Peer-to-Peer.
Le législateur, l'industrie, et les organisations de consommateur
ont fort à faire s'ils veulent que cela évolue
et il ne s'agit pas simplement de faire de nouvelles lois.
Il faut s'assurer que le cadre légal soit compréhensible pour les citoyens ordinaires
et qu'ils puissent comprendre pourquoi ils doivent le respecter.
Chaque Européen profite du copyright
quand celui-ci incite les musiciens à faire de la bonne musique
et c'est ce que fait le copyright
en protégeant les artistes contre ceux qui profitent de leur créativité sans rien verser en échange
On les encourage à partager leur talent avec le monde entier.
Pour nous inspirer, et nous transformer.
Mais une loi fondée sur un conte de fée auquel personne ne croit
à part peut-être les Frères Grim
n'est pas une loi que les citoyens Européens ordinaires vont respecter.
Voter la directive sur l'extension de la durée ne fera que diminuer le respect que l'Européen moyen porte aux lois sur le copyright
et cela rendra les vrais problèmes qui se posent au copyright à l'ère numérique plus compliqués.
Bien plus compliqués.
Mesdames et Messieurs, je peux vous affirmer que la directive sur l'extension de la durée n'est pas un prince charmant sur son cheval blanc
venant à la rescousse des pauvres artistes...
Je vous affirme que la directive sur l'extension de la durée est une grenouille.
C'est une grenouille gluante et visqueuse, et c'est une grenouille qui ment
et les citoyens Européens se rendent bien compte que c'est une grenouille.
Et je vous affirme également que vous ne parviendrez pas, en embrassant cette grenouille avec des amendements,
à la transformer en prince.
C'est juste un conte de fée de plus.
Le copyright donne aux artistes un outil, un outil pour négocier
sur un marché. Mais le marché reste rempli de requin,
et c'est un bien pauvre instrument à donner aux artistes pour protéger leurs droits.
Il y a tant d'autres choses que le Parlement Européen pourrait faire pour protéger les artistes.
Alors s'il vous plait, n'essayez pas de transformer cette directive crapaud en prince
S'il vous plait, au nom des consommateurs Européens, au nom de l'économie du savoir,
rejetez ce conte de fée, et rejetez la directive sur l'extension de la durée. Merci beaucoup.
Merci beaucoup, Becky. Je crois que nous sommes rentrés au coeur du débat...